Quatre longues années après Everest, voici enfin Nocturne. L’album le plus ‘agile’, le plus « facile à écrire et réaliser » selon les dires du groupe. Un jet. Fabriqué à la manière d’une toile de Jackson Pollock. Un disque qu’Antoine Wielemans et Lionel Vancauwenberghe ont écrit chacun dans leur coin « sans trop de consignes ». Sinon quelques mots-clés échangés pour circonscrire le sujet : hypnose, jungle, les peintures naïves de Rousseau aussi. « Cibler le travail de manière picturale, ça évite les discussions infinies », expliquent-ils. Contrairement à Everest, fruit d’une longue et douloureuse réflexion nécessaire à tout disque de résurrection, Nocturne s’est donc fait « presque tout seul ».
Le groupe se retrouve avec dix chansons dont il sait qu’elles participent de la même approche, de la même sensibilité. Même s’il ne parvient pas encore à nommer ce qui les rassemble. « On s’est donc mis à chercher une image qui résumerait à elle seule notre propos ». Les garçons squattent alors les bibliothèques. « Et assez vite, nous sommes tombés sur la peinture de l’Anglais Tom Hammick, qui nous a subjugués. Elle faisait directement écho à notre musique, à notre vision du monde, à ce que nous avions écrit sans nous en rendre compte : un disque sur l’enfance à jamais perdue… » Sombre et naïve au premier coup d’oeil, la toile montre un homme égaré dans la nature menaçante. Coincé entre les éléments. Mais les contrastes sont puissants, les couleurs vives. “Et très vite, on s’aperçoit que derrière cette première impression. Derrière la solitude et la peur, il y a de belles choses à regarder”. Et donc probablement à vivre.
Nocturne. Superbe titre. Superbe album aussi, produit par Luuk Cox (déjà aux manettes d’Everest) qui imposera encore un peu plus les Girls comme un groupe essentiel. Capable de rester lui-même tout en bifurquant pourtant. Car cette fois, les garçons ont décidé d’avancer sur deux tableaux : Les textes d’abord qui mettent de côté le mal être adolescent la musique aussi, qui range un peu les guitares pour privilégier les sonorités électroniques.
« C’était assez clair pour nous. Nous ne voulions plus parler de nos mésaventures, de nos petits soucis, de nos angoisses. Nous voulions cesser de nous complaire dans la mélancolie et la tristesse ! Il nous fallait parler des autres, de nos proches, du monde qui nous entoure. Parce qu’il est ce qu’il est. Et qu’on ne peut pas l’ignorer ! » Depuis Everest, tous les Girls sont devenus papas. Et forcément, ça change la perspective qu’on a sur le monde alentour.
La musique aussi a évolué. Aux atmosphères boisées d’hier, les Girls ont décidé de poursuivre (que les fans se rassurent, il reste des guitares et des arpèges envoûtants) le travail entamé sur Everest avec la mise en avant des machines. « C’est très étrange mais nous cherchons à nous détacher de l’émotion fabriquée. Paradoxalement, plus on fuit l’émotion, plus on en génère. C’est en tout cas notre conviction ! C’est la grande révolution musicale de ces vingt dernières années. La technologie peut nous élever. C’est très excitant cette idée de créer de l’émotion avec ce qui a priori n’en a pas. »
En plus des chansons du nouveau disque, les « Girls » joueront aussi des tubes de leurs albums précédents lors du concert à Eupen.